Ce commentaire concerne la décision rendue par la Cour d’Appel d’Angers le 26 janvier 2011, qui a confié la garde d’un enfant né d’un accouchement sous X, aux parents de sa génitrice, les époux O. qui revendiquaient des droits sur l’enfant, nonobstant la règle de l’anonymat sous X et la volonté de leur fille de voir confier l’enfant à l’adoption.
Il est rare qu’une décision de justice, reconnaisse aussi clairement que « la réalité factuelle et la vérité biologique s’opposent à la logique juridique, laquelle conteste aux époux O. leur qualité à agir ».
Autrement dit, la Cour reconnaît que sa décision est contraire à la règle de droit mais refuse de l’appliquer, invoquant la réalité et même la vérité biologiques, expressions qui reviennent à maintes reprises dans la décision de même que les termes « histoire », « racines » ou encore « origines » qui ont à priori très peu à voir avec les règles du droit de la filiation.
La position de la Cour d’Appel est révélatrice de la manière dont le champ du droit peut aisément être investi par certains préjugés et glissements de la pensée commune :
– Tout d’abord la suprématie de la science et de son corollaire le biologique ou pire la vérité biologique, qui dans un contexte actuel de sacralisation du biologique dicte sa loi propre et justifie tout, y compris la violation de la règle de droit.
– En second lieu, l’imprégnation de la solution judiciaire par une psychologisation de la pensée. Les juges, qui procèdent par a priori et généralités qui leurs sont tout à fait personnels, relèvent ainsi que « la plupart – des adoptants – sont en mal d’enfant » et que les – grands parents – « seront qualifiés pour affronter les questions légitimes que se pose tout enfant adopté sur ses origines et son rejet par sa mère ».
– On relèvera enfin l’assimilation « allant de soit » entre lien génétique et lien de parenté (on connaît la force de tels à priori). Pour la Cour « le rapport d’expertise génétique établit le lien de parenté ».
On perçoit en conséquence l’extrême difficulté des juges à envisager un lien de parenté en dehors de tout lien biologique (ici entre un enfant abandonné et une famille adoptive) et inversement à envisager un lien biologique détaché du lien de parenté (ici entre les parents de la génitrice et l’enfant qu’elle a mis au monde).
C’est bien la signification du recours aux notions de réalité biologique voire de vérité biologique, qui constituent une sorte « d’indépassable » de la pensée, témoignant des craintes face à l’adoption.
Yaël Halberthal